Depuis que le président de l’Ouganda voisin Yoweri Museveni, a promulgué un nouvel arsenal judiciaire contre les personnes LGBT+, des leaders d’opinion en RD Congo multiplient les appels à suivre l’exemple ougandais, dans un contexte où l’on voit se profiler les futures élections générales (présidentielles, législatives et provinciales), prévues pour le 23 décembre 2023.
Pour rappel, désormais en Ouganda, l’homosexualité est passible de la peine capitale, pour des faits « d’homosexualité aggravée », en cas de récidive.
En filigranes, c’est aussi l’absence de perspectives et de propositions politiques pour la RD Congo qui permet l’expression de cette homophobie en politique, alors que les instances étatiques héritées de la colonisation impliquent un renouvellement périodique de la classe dirigeante du pays.
La RD Congo est un pays de 95 millions d’habitants (Banque mondiale; 2021), qui compte 2,3 millions de km².
Pour 76crimes, Jérémie Safari, le directeur général de Rainbow Sunrise Mapambazuko de Bukavu, nous livre son regard sur les récents développements en cours de l’homophobie dans son pays.

Jérémie Safari : « Un journaliste de la chaîne de radio Top Congo FM, Marcel Kitambala, s’est épanché sur Twitter quant aux confidences que lui aurait faites un parlementaire, dans un dessein de pénaliser l’homosexualité en RD. Congo, alors que notre pays n’a aucune disposition législative à ce sujet.
Comme on pouvait s’y atteindre, hélas, ce type d’argument fait mouche dans l’opinion publique et rencontre un assez large écho dans les médias.
Qui plus est, un sit-in vient de se tenir à Lubumbashi, en réponse à un opérateur économique qui a utilisé des sacs aux couleurs arc-en-ciel, en guise de goodies, lors d’un forum économique dédié au monde des affaires dans le secteur minier ».
76crimes : « Pouvez-vous nous en dire plus ? »

Jérémie Safari : « Du 14 au 16 juin, les professionnels du secteur minier du pays se réunissent à l’hôtel Karavia de Lubumbashi dans le Katanga, pour la « DRC Mining Week », à cette occasion ont été remis un kit aux visiteurs et participants, avec entre autres, un sac aux couleurs bien identifiables, ainsi qu’une brochure en lien avec l’évènement.
Il n’en fallut pas plus pour mettre le feu aux poudres, puisque le leader du réseau des organisations de la société civile de la ville, Achille Ngoy a décidé d’un sit-in devant l’établissement hôtelier, en ce 15 juin, afin de signifier sa désapprobation quant au choix des couleurs des goodies distribués au public.
En effet, il y voit une publicité et un prosélytisme en faveur de l’acceptation de l’homosexualité en RD Congo, où elle n’est pas sanctionnée dans les textes de loi.
Pour l’heure, les organisateurs de la « DRC Mining week » ne se sont pas encore exprimés ».
76crimes : « Y voyez-vous une concomitance d’évènements ou les prémices d’une lame de fond LGBTphobe en RD Congo ? »
Jérémie Safari : « J’y vois deux choses. Un prolongement des obstacles à l’obtention de cartes d’électeurs pour les personnes LGBT+ visibles, qui ont du mal à pouvoir se faire enregistrer lors des campagnes d’inscription pour mettre à jour les listes électorales..

D’autre part, dans un contexte où la classe politique parvient de moins en moins à mobiliser les électeurs, agiter le chiffon quant aux questions LGBT+ peut avoir un effet salvateur pensent certains.
En outre, le contexte régional avec le durcissement de la législation contre les homosexuels dans l’Ouganda voisin n’a rien arrangé, bien au contraire. D’aucuns ici émettent qu’il s’agit même d’un exemple ou d’une voie à suivre.
Dans un monde en panne d’idée, finalement, les LGBTphobies se substituent à un imaginaire politique moderne qui fait défaut.
Néanmoins, nous ne comptons pas rester les bras croisés et nous voulons que le vote de chaque personne LGBT+ compte en RD Congo ».
Manoel Fleurisse depuis Paris, France