Le 20 décembre 2023 , les congolais ont été appelé aux urnes pour élire : (1) le Président de la République, (2) Les députés Nationaux,(3) les députés Provinciaux et (4) les Conseillers Municipaux.
L’innovation de ces scrutins résulte de l’insertion des élections municipales .
En dépit des messages de boycott lancés principalement par le camp de l’ancien Président de la République Joseph Kabila, les congolais ont fait preuve de maturité politique en se présentant massivement devant leurs différents bureaux de vote.
Poussés par la ferme volonté de décider de l’avenir du pays pour les 5 prochaines années, les congolais ont dû attendre plusieurs heures avant d’accomplir leur devoir civique pacifiquement.
1. La logistique un des maux qui a rongé le processus
Dans plusieurs bureaux, le déploiement des kits électoraux n’a pas suivi comme prévu, ce qui fait que dans certains cas les votes ont continué au-delà des heures prévues.
Dans les cas les plus extrêmes, les congolais ont dû patienter pour voter le lendemain. il parait d’ailleurs que les élections se sont poursuivies même jusqu’au Lundi 25 décembre dans d’autres centres de vote.
2. Fraude électorale
Des cas de fraude électorale ont été signalés ça et là.
Des candidats députés ont été surpris avec les dispositifs de vote.
La fraude électorale n’est forcément pas un terme nouveau dans le lexique électoral.
Aux USA, l’élection de Donald Trump a été contestée par le camp adverse. Des manifestations avaient été organisées dans toutes les villes pour dénoncer la fraude orchestrée par la Russie au profit de Trump.
À son tour , Trump avait également contesté l’élection de Joe Bidon
Actuellement en Serbie est entrain aussi de contester les résultats des élections dénonçant ainsi les fraudes.
3. L’annulation une situation-problème ? Ou Solution ?
En plein vote , 5 candidats à la présidentielle ont tout de suite exigé l’annulation du processus. Moïse Katumbi ,l’un des favoris avait d’abord: revendiquer sa victoire invitant ainsi Félix Tshisekedi, Président sortant à reconnaître sa défaite ce avant même la publication des résultats provisoires.
24 heures après, Moïse Katumbi va faire un revirement spectaculaire en exigeant lui aussi l’annulation des élections.
À entendre les tenants de cette thèse, toutes ces élections jugées « chaotiques « par eux devraient être immédiatement annulées puis des nouvelles élections devraient être organisées et Ils exigent aussi la mise en accusation de Dénis Kadima.
Il est vrai qu’il est de leur droit légitime d’exiger l’annulation des élections du 20 décembre 2023.
Mais ce droit ne devrait-il pas s’exercer sur bases des motifs légitimes ?
Est ce le fait que les cas de fraudes , le retard dans le déploiement des dispositifs de vote ont-ils impacté la sincérité des suffrages exprimés ?
Peuvent-ils concourir à l’annulation des élections ?
Il revient donc au juge constitutionnel, seule autorité habilitée à se prononcer pour ou contre l’annulation des élections de se donner sa position au moment opportun.
4. Les effets d’une possible annulation des élections du 20 décembre 2023:
De la Lucha à Lamuka en passant par Ensemble pour la République, tous ne jurent que sur l’annulation des élections et l’organisation des nouvelles élections avec un nouveau bureau de la CENI.
De l’autre côté, d’autres mouvements citoyens et organisations de la société civile demandent à la CENI de poursuivre son travail en toute tranquillité et invitent les candidats à saisir la cour constitutionnelle en cas de contestation des résultats provisoires.
A.Un nouveau Bureau de la CENI : l’organisation de nouvelles élections n’est possible qu’avec un nouveau Bureau de la CENI.
Parallélisme de forme et compétence oblige, les mêmes autorités qui sont intervenues dans la désignation et nomination des membres de la CENI devraient revenir à la charge pour composer un nouveau bureau.
Ce processus jusqu’à l’entérinement du nouveau bureau ne peut pas prendre moins d’une année,
B. Nouvelles élections OUi mais pour quand?
Les acteurs qui exigent la tenue de nouvelles élections n’ont jusque là proposé aucun délai pour la tenue des élections.
Ce délai est certainement lié à la réalisation des certains préalables ( nouveau bureau de la CENI , audit du fichier, évaluation de la logistique et ou acquisition d’une nouvelle logistique).
Mais qui et quand décider de ce nouveau délai??
Dans le contexte actuel, seul un dialogue politique inclusif peut résoudre cette équation.
3. Quid de la légitimité des institutions ?
Si les nouvelles élections doivent être organisées, il ne faut pas perdre de vues qu’il y’a une question existentielle qui va se poser.
En effet, plusieurs institutions électives( Président de la République, Assemblée nationale, sénat , assemblée provinciale) deviendront illégitimes à partir du 30 janvier 2023.
Sur quel fondement juridique, l’actuel Président de la République devrait continuer à engager la République à la fin de son mandat ?
Sur quel fondement juridique, l’assemblée nationale va continuer à siéger alors que le mandat des députés a expiré ??
UNE CRISE DE LÉGITIMITÉ VA DONC S’INSTALLER.
Conclusion :
L’article 75 de la loi électorale telle que modifiée à ce jour , prévoit effectivement la possibilité pour une juridiction compétente d’annuler partiellement ou totalement les résultats de vote.
Cette annulation n’est possible que lorsque les irrégularités constatées sont significatives et et déterminantes ayant influencé significativement les résultats de vote.
La loi prévoit l’organisation des élections 60 jours après leur annulation.
Il faudrait aussi faire la différence entre la fraude et la tentative de fraude.
Si l’une consiste à la consommation de l’acte , l’autre ( tentative de fraude) les résultats ne sont pas atteints parce que l’entreprise criminelle a été interrompue par des faits extérieurs ( tel est le cas des candidats qui ont été surpris avec des machines).
Quoique légalement prévue , l’annulation est une décision juridique mais politiquement motivante. Parce que le juge constitutionnel en tant que lubrifiant des institutions doit s’assurer que sa décision ne crée pas une situation catastrophique pour le pays.
Si juridiquement l’annulation des élections est possible
Politiquement et socialement l’annulation est une situation -problème.
En effet, l’organisation de nouvelles élections serait conditionnée par :
1. Nouveau enrôlement puisqu’on aura des nouveaux majeurs,
2. Audit du nouveau fichier
3.Composition du nouveau Bureau de la CENI,
4. Adoption d’une loi portant répartition des sièges puisqu’il y a eu nouveau enrôlement,
5. Recomposition de la Cour Constitutionnelle
6. Acquisition des dispositifs de vote ( 6 mois pour faire la procédure de passation des marchés);
7. Déploiement des dispositifs de vote.
Ces préalables ne seront pas remplis dans une année.
Et pendant ce temps toutes les institutions devenant illégitimes ne peuvent plus engager la République.
On tombe donc dans une situation de non droit .
Sociologiquement , le peuple qui s’est mobilisé massivement le 20 décembre 2023 pour voter risque de ne pas se retrouver dans la décision d’annulation des élections.
Et même si les nouvelles élections sont organisées rien n’atteste que les résultats pourraient changer.
Ex: au Kenya après annulation des élections, des nouvelles élections ont eu lieu et l’ancien vainqueur a remporté les nouvelles élections face aux opposants.
La RDC a été plongé plusieurs fois dans les crises de légitimité, c’est une situation à ne pas rééditer voilà pourquoi la CENI a tenu à organiser les élections dans le délai constitutionnel.
Il est donc demandé à la Classe politique de faire preuve de maturité politique et de mettre le pays devant leurs partis.
Les caprices ou l’égoïsme des hommes ne devraient pas constituer les motifs d’annulation des élections.
Merphy Pongo