La régulation des pouvoirs publics consiste à maintenir l’équilibre et à assurer le bon fonctionnement d’un système. La régulation permet au Juge Constitutionnel de discipliner, modérer et ordonner.
1. Fondement juridique sur la limitation du Mandat de Député National et principes applicables
Avec l’avènement de la démocratie constitutionnelle, le juge constitutionnel est un acteur dans la protection des droits fondamentaux des citoyens. L’article 5 de la Constitution Congolaise du 18 février 2006 reconnaît que l’exercice du pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum et d’élections.
La démocratie comme forme de gouvernance fonde la légitimité des institutions et de ses animateurs sur les “élections”.
Pour préserver la vitalité de la jeune démocratie congolaise, il a été décidé de l’encadrement et de la limitation du pouvoir.
Ainsi, par exemple, le mandat du président de la République est limité dans le temps (5 ans) et en nombre (une fois renouvelable), tandis que celui du député national, du député provincial et du sénateur est seulement limité dans le temps (voir l’article 103 de la Constitution), et renouvelable plusieurs fois.
La limitation du mandat du Député national a été inscrite dans une logique d’encadrement de la fonction du député.
La limitation du mandat en nombre et dans le temps s’inscrit aussi dans la dynamique de restauration du mandat comme mécanisme de délégation de la souveraineté (lire ETEKOU Y.S 2013). En limitant le mandat du député, le constituant de 2006 voulait consolider le principe démocratique qui fait du peuple le véritable baromètre du pouvoir.
La limitation du mandat permet de promouvoir la liberté de choix reconnue au peuple. Ainsi donc, après chaque cinq ans, le peuple est appelé à faire un nouveau choix pour soit renouveler sa confiance soit la retirer.
2. Quid de l’expiration du Mandat du Député ?
Selon l’esprit de l’article 103 de la Constitution, “le mandat du député commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée Nationale et expire à l’installation de la nouvelle Assemblée”.
Dans son avis RITE 001 du 01 mars 2019, le Conseil d’État congolais avait donné des explications claires sur le début et la fin du mandat d’un député national. Il explique qu’il faudrait prendre en compte le “DIES AD QUO” (date du début du mandat considéré ici comme le jour de la validation des pouvoirs du député) et le “DIES AD QUEM” (date d’installation d’une nouvelle Assemblée nationale).
Élus en 2018, pour un Mandat de 5 ans, les députés nationaux de Rutshuru, Masisi et Kwamouth ont commencé leurs mandats le 13 février 2019 avec la validation de leurs pouvoirs, et leurs mandats ont expiré le 12 février 2024 avec l’installation d’une nouvelle Assemblée.
Le contrat qui lie ces députés à la population avait donc expiré. Les députés de 2018 faisaient partie de la législature 2018-2023. Sur quelle légitimité vont-ils prétendre représenter encore les peuples ?
3. La Cour Constitutionnelle a-t-elle failli dans sa mission régulatrice ?
La régulation, “lubrifiant institutionnel”, permet à la Cour Constitutionnelle d’intervenir sur demande pour sa décision sur les injonctions qu’elle comporte pour faire échec à une situation de paralysie imminente ou réelle d’une institution de la République, et d’autre part, comme “discipline des acteurs publics”, qui consiste pour la Cour Constitutionnelle, sur demande, alors même qu’aucune paralysie effective ou imminente n’est à déplorer dans le fonctionnement d’une institution, à sanctionner si elle estime nécessaire le comportement d’un acteur public considéré contraire à la Constitution, ou à faire des injonctions correctives qui paraissent devoir s’imposer en vue d’un nouveau comportement conforme aux prescriptions constitutionnelles.
En autorisant aux députés de 2018 de siéger alors que leurs mandats ont expiré depuis l’installation de la nouvelle Assemblée nationale en février 2024, le juge constitutionnel s’est opposé au peuple en violant ainsi l’article 5 de la Constitution.
La Cour Constitutionnelle a manqué l’occasion de lubrifier les institutions et de discipliner les comportements des acteurs politiques contraires à la Constitution.
Disons-nous que cette décision de la Cour Constitutionnelle crée un précédent fâcheux dans la consolidation de la démocratie constitutionnelle.
Dans un système démocratique, l’élection est le seul moyen de légitimer les pouvoirs d’un Député.